Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain ... (Pierre de Ronsard)

Joachim Du Bellay

Poète français.

Joachim du Bellay
Gravure ancienne. Bibliothèque nationale des Estampes (Fr.)
Source imprimée : J. Calvet, Manuel illustré d'histoire de la littérature française. Quinzième édition. Paris, J. de Gigord, 1946.
Poète français.
Vie et oeuvre
"Il était fils de Jean du Bellay, sieur de Gonnor, capitaine de quarante hommes d’armes et gouverneur de Brest, et de Renée Chabot, dame de Liré et de la Turmelière. Son père était cousin germain de Guillaume, Martin, Jean et René du Bellay […]. Il n’était donc que le neveu à la mode de Bretagne du cardinal Jean du Bellay qui l’amena à Rome. Il perdit ses parents d’assez bonne heure et se trouva ensuite sous la tutelle de son frère aîné René qui avait hérité de la terre de Gonnor tandis que lui-même avait eu celle de Liré. René du Bellay étant mort jeune, Joachim se trouva à son tour chargé des difficultés de la tutelle de son neveu qu’aggravaient encore les soucis d’une succession embarrassée. Il en tomba malade et ce fut cette maladie qui décida de sa vocation. Renonçant à la politique et aux armes dans lesquelles plusieurs membres de sa famille s’étaient illustrés, il résolut de chercher la gloire uniquement dans les lettres. L’université de Poitiers, alors une des plus célèbres de France, l’attira et il y rencontra
Ronsard et Baïf. Dès lors il fut un des membres de la Pléiade et engagé dans le grand mouvement littéraire du milieu du XVIe siècle. Il avait publié plusieurs ouvrages quand le cardinal Jean du Bellay l’appela à Rome pour en faire l’intendant de sa maison, vers 1550 ou 1551. Il y resta quatre ans. Diverses causes restées obscures, mais plus probablement une intrigue amoureuse avec une noble romaine, le firent revenir en France en 1555. À son retour, son cousin Eustache du Bellay le nomma chanoine de Notre-Dame de Paris. Mais il était parti de Rome brouillé avec son parent le cardinal; deux autres de ses protecteurs, Henri II et la reine de Navarre, moururent; enfin la princesse Marguerite de France quitta la cour pour aller régner en Savoie. Lui-même était devenu sourd et avait vieilli avant l’âge. Toutes ces causes hâtèrent sa fin et il mourut, âgé d’environ trente-cinq ans, au moment où il allait être nommé à l’archevêché de Bordeaux.

D’après
Sainte-Beuve, son premier ouvrage aurait été un recueil de poésies, dédiées à la princesse Marguerite, sœur de Henri II, et parues en 1549. Ce serait pour ce livre qu’il aurait fait en secret des emprunts à Ronsard, acte que leur amitié persistante semble démentir absolument. La Défense et Illustration de la langue française, qui parut le 5 ou le 15 février 1550 sous les simples initiales I. D. A. B., fut le manifeste de la nouvelle école. Elle est divisée en deux livres. Le premier, qui comprend douze chapitres, est consacré à la défense de la langue française; le second est une sorte de portrait idéal du poète tel que le comprenaient les novateurs.

Écrit avec chaleur et très juste dans beaucoup de ses parties, ce livre eut une grande influence bien que l’école de Marot ait répondu à ses théories par le Quintil Horatian de Charles Fontaines. L’Olive le suivit de près et parut probablement en octobre de la même année. C’est un recueil de sonnets amoureux, forme poétique, née en Provence, puis développée en Italie d’où du Bellay la rapporta. Les uns ont prétendu que l’héroïne du livre était une maîtresse imaginaire, les autres qu’Olive était l’anagramme de son véritable nom Viole. Nous pencherions plutôt pour cette dernière hypothèse que semble justifier le fait que les du Bellay connaissaient une famille Viole. En 1653, en effet, ce fut en faveur d’un Guillaume Viole qu’Eustache du Bellay se démit de son évêché de Paris. Trois ans après le retour de Rome de Joachim du Bellay parurent ses Jeux rustiques (1558, 1ère édition) et ses Regrets. Ces derniers coururent d’abord manuscrits, puis furent imprimés à Paris, chez Frédéric Morel, en un volume in-4 (1558). Une nouvelle édition de ces deux recueils, qui sont certainement l’ouvrage le plus parfait de Du Bellay, a été donnée récemment (Paris, 1876). Elle comprend huit sonnets nouveaux découverts par M. Paulin Paris dans un exemplaire qui avait appartenu à la bibliothèque du Roi et publiés par M. A. de Montaiglon. Joachim du Bellay a encore laissé des lettres et des œuvres latines. Les dernières forment deux recueils : 1. Joachimi Bellaii Andini poematum libri quatuor. Parisiis, apud Federicum Morellum (1558, in-4); 2. Joachimi Bellaii Andini Poetae clarissimi Xenia sev illustrium quorumdam nominum allusiones (Paris, 1569, in-4). L’ensemble des poésies latines de Du Bellay a été recueilli dans les Deliciae Poetarum Gallorum publiés en 1609 par Ranutius Grehus (Gruter). Les œuvres de Joachim du Bellay ont été souvent réimprimées. […]

Poète délicat et quelquefois puissant, du Bellay est presque toujours facile, et il a su éviter le pédantisme où sont tombés quelques-uns de ses amis de la Pléiade, Baïf en particulier. Nous ne pouvons d’ailleurs mieux faire que de nous rallier au jugement si sûr et si fin qu’a porté sur lui
Sainte-Beuve. « Des images, dit-il, de l’énergie, de la dignité, du sentiment, telles sont les qualités jusque-là inconnues qu’on distingue en lui quelquefois et dont les vestiges révèlent un poète… sa facilité le sauve de l’enflure pédantesque… Du Bellay a composé des poésies lyriques où se rencontrent beaucoup de strophes d’un ton élevé et soutenu… Mais c’est surtout par la grâce et la douceur qu’il paraît exceller, ainsi que l’avaient bien senti ses contemporains en le surnommant l’Ovide français… Novateur en poésie, il le fut avec autant de talent et plus de mesure qu’aucun de ses contemporains ». (Tableau de la poésie française au XVIe siècle)."

Louis Farges, article «Joachim du Bellay» de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.]. Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, H. Lamirault, [191-?]. Tome sixième (Belgique-Bobineuse), p. 51-52 (domaine public)
Oeuvres poétiques. Premiers recueils, 1549-1553. Édition critique établie par Daniel Aris et Françoise Joukovsky (Oeuvres poétiques 1, Paris, Bordas, "Classique Garnier", 1993) - BNF, Gallica, mode texte

Recueils romains. Édition critique établie par Daniel Aris et Françoise Joukovsky (Oeuvres poétiques 2, Paris, Bordas, "Classique Garnier", 1993) - BNF, Gallica, mode texte
1522
Joachim Du Bellay naît au château de La Turmelière, près de Liré en Anjou. Il est issu d'une famille noble, dont la branche la plus illustre est celle de Langey : Guillaume, seigneur de Langey et futur gouverneur du Piémont, Jean, évêque de Paris (et qui sera cardinal en 1535), René, évêque du Mans, étaient ses oncles. Joachim sera orphelin de père et de mère avant d'avoir 10 ans.
1531
Joachim est confié à la tutelle de René, son frère aîné. Si l'on en croit ses propres affirmations, il a une enfance triste, solitaire à la Turmelière dans le manoir paternel. Il s'est plaint également de ne pas avoir d'activité intellectuelle. Il ne reçoit guère d'enseignement, sauf peut-être celui épisodique je Jacques Michelet, le chapelain des du Bellay.
1540
Il fréquente, vers 1540, le salon de sa parente Louise de Clermont-Tonnerre.
1543
Mort de Guillaume du Bellay, seigneur de Langey.
La légende veut que du Bellay, Ronsard et Peletier du Mans se soient croisés dans la cathédrale où étaient célébrées, par René du Bellay, évêque du Mans, les obsèques de Guillaume
la mort de cet oncle prive Joachim, qui n'a alors que 19 ans, de la carrière des armes. Il songe alors à solliciter le soutien de Jean du Bellay, le cardinal.
1545
Joachim se rend à Poitiers pour poursuivre ses études.
1546
Il fait son droit à Poitiers et rencontre un milieu lettré. Il côtoie Marc Antoine Muret et Salmon Macrin l'initie à la poésie. Il fréquente également Jacques Peletier. Ce dernier influence du Bellay : il lui fait découvrir les lettres antiques et l'initie à la pratique de l'Ode
1547
Joachim du Bellay fait la connaissance de Ronsard. Ils se retrouvent quelques mois après au collège de Coqueret à Paris, parmi les élèves du grand helléniste Dorat.
En cette année où mourut François 1er, du Bellay parfait sa connaissance du latin, il découvre sous la férule de Dorat la langue et les auteurs grecs. Il lit également les grands écrivains italiens : Castiglione, Boccace, Petrarque...
Il publie son premier poème : un dizain, en français, intitulé, A la ville du Mans
Ronsard décide de former avec d'autres jeunes poètes — parmi lesquels son ami Joachim du Bellay — un groupe qui prendra en 1549 le nom de Brigade avant d'adopter en 1553 celui de la Pléiade. Ce groupe souhaite définir de nouvelles règles poétiques.
1549
En février, du Bellay publie La Défense et Illustration de la langue française ( La Deffence et Illustration de la langue françoyse, dédiéà un cousin germain de son père, le cardinal René du Bellay), un manifeste qui résume les intentions de la future "Pléiade" : leur objectif est de donner à la langue française le lustre et la grandeur de la langue antique, à la fois par l'imitation des Anciens et des Italiens, et aussi par l'enrichissement de la langue et de son style. La publication de La Défense et Illustration de la langue française marque le début de la carrière de du Bellay
En novembre, du Bellay publie 50 sonnets : Cinquante Sonnetz à la louange de l'Olive, l'Anterotique de la vieille et de la jeune Amye et vers lyriques ( dédiésà la princesse Marguerite, soeur d'Henri II).
Olive serait l'anagramme de Mlle de Viole.
Ces sonnets "à la manière" de Petrarque, constituaient une première en France et connurent un grand succès.
Du Bellay connaît des problèmes de santé; Il est atteint d'une tuberculose pulmonaire.
1550
En raison du succès des Cinquante Sonnetz, publication d'une deuxième édition augmentée ( avec 65 sonnets de plus).
Il connaît des premiers symptômes de surdité.
1551
Il connaît de nombreux soucis : procès, affaires de famille, d'autant plus qu'il devient cette année-là tuteur de son neveu Claude, fils de son propre tuteur, René. Ce tutorat lui vaut d'entrer en procès avec Magdelon de la Roche au sujet d'un terrain, la terre d'Oudon, acquise de façon douteuse par René du Bellay.
Il poursuit sa carrière poétique : participation au Tombeau de Marguerite de valois, Royne de Navarre
1552
Complainte du Désespéré
Traduction de Virgile accompagnée d'autres œuvres, sous le titre Quatrième Livre de l'Enéïde et œuvres de l'invention du translateur
1553
Du Bellay accompagne, comme secrétaire, son oncle, le cardinal Jean du Bellay, auquel Henri II a confié la mission de négocier avec le pape une alliance contre Charles Quint.
Cet exil de quatre ans va commencer dans l'enthousiasme :
" Je me ferai savant en la philosophie,
En la mathématique et médecine aussi,
Je me ferai légiste, et d'un plus haut souci,
Apprendrai les secrets de la Théologie..."
Du Bellay passe par Lyon, où il rencontre Pontus du Tyard ( un des compagnons de la Pléiade) et aussi Maurice Scève, un poète qu'il admire.
Avant même son arrivée, du Bellay est fasciné par Rome, cette ville auréolée du prestige des civilisations antiques.
Mais ce pèlerinage se révèle vite un désastre, "un malheur voyage", et son rêve de carrière s'évanouit en même temps que celui de l'idéal romain. Certes devant les ruines de l'Antique cité, il subit le "choc de l'histoire", mais il lui faut vite déchanter en côtoyant les romains. Que ce soient les dignitaires, les banquiers, les gens d'Eglise ou le peuple, les romains du seizième siècle n'ont décidément plus la même éthique que leurs ancêtres. L'humaniste qu'il est, est déçu : l'ambition, l'argent, ou la corruption ont balayés les valeurs qu'il recherchait : savoir, respect, mérite, vertu...
Cette immense déception n'altérera pas son travail. Du Bellay travaillera à quatre ouvrages qu'il publiera après son retour en France : les Regrets, les Divers Jeux rustiques, les Antiquités de Rome, et les Poemata.
1557
Après la défaite de Saint-Quentin, le cardinal Jean du Bellay, qui n'est pas parvenu à convaincre Paul IV, doit reconnaître l'échec de sa mission. Joachim du Bellay rentre en France.
1558
Malgré les grandes publications (Les Regrets, les Divers Jeux rustiques, les Antiquités de Rome, et les Poemata) le retour en France fut assombri à la fois par des problèmes de santé (insuffisance pulmonaire) et des soucis financiers.
1559
Du Bellay doit à nouveau se défendre concernant la terre d'Oudon, la terre acquise de façon douteuse par son oncle René du Bellay. L'affaire trouve enfin un arrangement : en échange d'une indemnité, du Bellay renonce aux droits de sa famille sur cette terre. Cet accord va lui permettre de s'affranchir de ses soucis financiers
1560
Du Bellay meurt d'une apoplexie, à sa table de travail dit-on le 1er janvier 1560, à l'âge de 37 ans. Il est inhumé à Paris, en la chapelle de saint-Crépin.
Publication posthume de : Le Discours au roi sur la poésie
1567
Publication posthume de : L'Ample Discours au roy, sur le faict des quatre estats du Royaume de France
1568
Publication des œuvres françoises de Joachim du Bellay.

 

 
 
Source : Les Grands Ecrivains de la langue française (Edition Robert) et Les Regrets de Du Bellay ( par Judith Chavanne, collection Balise, éditions Nathan)


Joachim du Bellay