Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain ... (Pierre de Ronsard)

Les comtes de Champagne ...

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Armoiries de Champagne ; d'Azur à bande d'argent, accompagnée de deux cotices
poArmoiries de Champagne ; d'Azur à bande d'argent, accompagnée de deux cotices
potencées et contrepotencées d'or. Vitrail de l'Eglise de Chaourcetencées et contrepotencées d'or. Vitrail de l'Eglise de Chaource

A la fin du règne de Louis le Débonnaire, fils de Charlemagne, le royaume de France fut partagé entre ses trois fils, Charles le Chauve, Lothaire, et Louis, par le traité de Verdun en 843. C'est le début de la "parcellisation" du royaume, et au fil des années, les fonctionnaires royaux vont s'approprier des territoires qui peu à peu deviennent indépendants. C'est ainsi qu'à la fin du IXe siècle, Troyes appartient au Duché de Bourgogne, dirigé par Richard le Justicier. Il faut attendre la mort du Duc de Bourgogne Gilbert, Comte d'Autun et de Chalons, en 956, pour que la ville passe dans les mains du premier Comte de Champagne, Robert de Meaux, grâce à son alliance avec la fille du Duc, Adèle Werra. C'est le début d'une période de plus de trois siècles pendant lesquels les Comtes de Champagne, par leur politique, vont donner une nouvelle expansion aux villes de leur domaine, et en particulier à la cité comtale de Troyes. 


Robert, très glorieux Comte de Champagne, 956-970

Si la dot d'Adèle Werra permet à Robert d'ouvrir une porte sur le grand duché de Bourgogne, son règne ne va pas véritablement bouleverser Troyes, déjà haute place religieuse avec son abbaye Saint Loup et sa première Cathédrale. Toutefois, la querelle qui oppose le Comte à l'évêque de Troyes alors en place, Anségise, est à l'origine d'une situation particulière de la petite cité : Troyes sera en effet désormais dirigée par des Comtes laïcs, et non des évêques ou archevêques, comme à Chalons ou à Reims ; les Comtes seront ainsi maître de la monnaie, et éliront eux mêmes les futurs évêques. 

 

Sceau de Lothaire, Roi de France, l'an 959. Document conservé au Centre historique des Archives nationales à Paris, Cote SC/B3 (c) ARCHIM
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Hugues Capet

Herbert IV dit Herbert Le Jeune, fils de Robert, reçoit à la mort de ce dernier les Comtés de Meaux et de Troyes, et y ajoute les terres d'Epernay, de Vertus, de Vitry. Son règne est marqué par le soutien qu'il apporte au Roi Lothaire, puis, en 987, à l'avènement de Hugues, premier Roi Capétien. Son fils Etienne lui succède, ne laissant dans l'histoire de la ville que la construction d'une nouvelle cathédrale romane par l'évêque Milon. Etienne meurt sans laisser de descendants, et c'est son cousin, Comte de Blois depuis 996, qui lui succède en 1019.

Eudes II Le Champenois, 1019-1037

Eudes II règne sur un territoire déjà important lorsqu'il reçoit du roi les territoires de Champagne de son cousin Etienne en 1019 ; il est déjà depuis 996, à la mort de son père Eudes Ier, le seigneur de Chartres, de Blois et de Tour, et l'héritage champenois le place au tout premier rang des grands personnages du royaume. Il mène tout au long de son règne de nombreuses campagnes pour préserver ou agrandir ses territoires, qui lui attirent la disgrâce du roi Henri Ier, menacé par un vassal rebelle et puissant dont les terres représentent plus du triple du domaine royal. C'est sur un champ de bataille non loin de Bar le Duc qu'Eudes perdra la vie en 1037.  Son patrimoine est partagé entre ses deux fils, Etienne le cadet qui reçoit les Comtés de Troyes, Meaux et Vitry, et Thibaud qui lui hérite de Blois, Tours, Chartres, Provins et Saint Florentin.


Thibaud I, Comte de Blois et de Champagne, 1048-1089

Pendant les premières années de son règne, Thibaud lève une rébellion de quelques Barons et Comtes, dont son frère Etienne fait partie, pour venger son père de sa disgrâce royale. Il échoue et est fait prisonnier, perdant pour retrouver sa liberté le Comté de Tours. A la mort d'Etienne en 1048, Thibaud réunit l'héritage de son père, et reprend la place de ce dernier parmi les grands vassaux du Roi. Oubliant ses premiers sentiments, il devient l'un de ses plus fidèles seigneurs, nommant son premier fils Henri, en hommage au Roi. Il obtient ainsi que Eudes III, fils d'Etienne, qui devait à sa majorité récupérer les terres Champenoises de son père, devienne son vassal. Après une première rebellion, celui ci partira sous la bannière de Guillaume le Conquérant en Angleterre, laissant ainsi le champ libre à son oncle Thibaud.
Thibaud Ier apporte tout au long de son règne un soutien nouveau au clergé. Il crée par exemple un prieuré à Provins sur l'emplacement de la petite chapelle Saint Médard, le prieuré de Saint Ayoul, martyr du VIIe siècle, qui dépend de l'abbaye de Montier La Celle près de Troyes et à la tête duquel il place Robert, futur fondateur de l'abbaye de Citeaux et de Molesme. Il aide ainsi plusieurs abbayes et monastères, dont Cluny et Montier en Der, ce qui lui vaut les faveurs du Vatican. Son fils Eudes deviendra même plus tard pape, sous le nom d'Urbain II. Thibaud s'éteint en 1089, à l'âge de 70 ans, laissant une Champagne prospère, et un Comté de premier plan dans le Royaume, tant par son étendue que par son importance politique.

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Guillaume le Conquérant


Saint Ayoul à Provins - Cliquez pour agrandir
St Ayoul à Provins

 

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Siège de Nicée, 1097

Etienne Henri, fils aîné de Thibaud, lui succède à sa mort, sans même partager son riche héritage avec ses demi frères, nés du second mariage de Thibaud avec Adèle de Bar sur Aube, et qui deviennent ses vassaux ; c'est donc à Eudes IV, puis à son cadet Hugues que reviennent les Comtés de Troyes, de Vitry et de Bar sur Aube. Etienne Henri épouse Adèle d'Angleterre, fille de Guillaume le Conquérant, et se destine très vite aux préoccupations qui unissent à cette époque les grands seigneurs du royaume ; les croisades en Terre Sainte. Après une première défaite humiliante en 1097 au siège d'Antioche, il y meurt en 1102, aux portes de Ramla en Palestine de façon plus glorieuse. Son fils Thibaud II reprend le Comté de Blois tandis que ses territoires Champenois restent dans les mains du Comte de Troyes, Hugues.

Hugues, Comtes de Champagne, 1093-1125

Hugues est le premier des Comtes à vivre et régner à Troyes, dans la tour qui s'élève au nord ouest de la cité, qui accueille à cette époque les foires chaudes, à la Saint Jean, et les foires froides à la Saint Rémi. C'est la piété du Comte qui va marquer son règne de près de 32 ans ; malheureux en amour - son épouse Constance de France fait annuler leur union - il visite les nombreuses abbayes de son domaine, Molesme, Trois Fontaine, Montiéramey... Il passe à son tour quelques années en Terre Sainte de 1104 à 1107, puis de 1114 à 1116. A son retour, il favorise l'expansion de la toute nouvelle abbaye de Clairvaux, fondée par Bernard en 1115, pour finalement entrer en 1126 dans un nouvel ordre de moines-soldats, l'ordre des Templiers, fondé par son compagnon de croisades Hugues de Payns, et reconnu par l'église lors du Concile de Troyes de 1127.  Il renonce ainsi à ses pouvoirs Comtaux et, après avoir chassé sa seconde épouse Elisabeth et son fils dont il ne se croit pas le père, il transmet ses terres et ses pouvoirs à son neveu Thibaud, le fils d'Etienne Henri, Comte de Blois depuis 1102.

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Saint Bernard appelant à la Croisade à Vézelay. Gravure du XIXè s.

C'est le Comte Hugues qui fit construire, non loin de Troyes, un château impressionnant, sur la Butte d' Isle Aumont. Sur ce site archéologique unique, seule la petite église subsiste, mais les fouilles menées par un archéologue local, Jean Scapula, ont révélées de véritables trésors.

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Thibaud II Le Grand, 1125-1152

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Sceau de Thibaud II, Document conservé au Centre historique des Archives nationales à Paris, Cotes SC/B12 et B12bis (c) ARCHIM

Thibaud se retrouve ainsi dès 1125 à la tête d'un territoire comparable à celui que son grand père Thibaud premier avait réussi à consolider. Après une vingtaine d'années passées à guerroyer pour son Comté de Blois, c'est un Comte assagi qui prend possession de ses terres champenoises. Il se lie d'amitié avec Bernard de Clairvaux, qu'il aide à construire son abbaye, mais aussi l'église de Pontigny, l'abbaye Notre Dame de Fontenay, de Larrivour et celle de Trois Fontaines. Il intervient dans les ordres de son Comté, à Saint Loup à Troyes, ou encore à Saint Quiriace à Provins.

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Louis VII

Les intentions pacifiques du Comte se vérifient lorsque le roi Louis VII, inquiet de la puissance de son vassal, prend comme prétexte la majorité du fils contesté de Hugues, Eudes, pour réclamer en son nom les terres de Champagne. Sans jamais lever une armée, mais par de savantes alliances politiques, Thibaud préserve son domaine, intervenant même auprès du pape pour lever l'excommunicaton qui pèse sur Louis VII et sa fougueuse épouse Aliénor d'Aquitaine.

Dans cette politique nouvelle, qui préfère la négociation aux armes, Thibaud innove en voulant préserver les intérêts économiques de ses terres, et plus particulièrement les foires de Champagne, alors en pleine expansion. Thibaud termine son règne sous l'influence toujours présente de son ami Bernard de Clairvaux et passe ses dernières années à visiter les plus pauvres de ses sujets, leur faisant l'aumône, distribuant vêtements, nourriture et soins aux plus déshérités. A sa mort en 1152, la Champagne est une terre prospère ; les campagnes sont modernisées, le défrichement rationalisé, et les villes s'entourent de bourgs de plus en plus importants, créant de nouveaux centres économiques. 
Thibaud avait préparé sa succession, et à sa mort, le destin de ses 4 fils est déjà scellé ; son aîné Henri devient Comte de Troyes, et hérite des Comtés Champenois, Thibaud et Etienne se partagent les comtés de Blois, Chartres, Châteaudun et Sancerre, et Guillaume, le cadet, que la coutume destine à une carrière religieuse, deviendra archevêque de Reims, sous le nom de Guillaume aux Blanches Mains.


Henri Ier Le Libéral, 1152-1181

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Portrait de Henri Ier
d'après un vitrail du Musée Vauluisant,
(c) G. Grosdoit-Artur

Le jeune Comte de Champagne est à son avènement le plus fidèle vassal du roi Louis VII, avec qui il était parti pour la IIème croisade en 1147. Il épouse sa fille Marie en 1164, et se bat à ses côtés contre le Roi d'Angleterre Henri Plantagenêt en 1152 et en 1173. Lorsqu'il ne livre pas bataille pour son Roi, Henri construit et agrandit ses villes de Champagne. Il y favorise comme ses prédécesseurs les foires, et construit de nouveaux édifices témoins de sa gloire, comme à Troyes avec l'Hôtel Dieu Le Comte, et bien sûr le nouveau palais des Comtes et sa collégiale Saint Etienne, ou encore à Provins avec Saint Quiriace ou la Tour César, et St Ayoul que les largesses du Comte permettent de reconstruire après un incendie en 1157. Il participe également à la fondation de l'abbaye de Trois Fontaines en donnant à ses moines des forges. Il étend et modernise les remparts de ses cités, incluant désormais les nouveaux bourgs qui se sont formés aux portes des premières enceintes. Son héritage architectural est unique, et témoigne de la splendeur et de la prospérité de son domaine. Après un dernier voyage en Terre Sainte, Henri s'éteint en 1181 au Palais Comtal de Troyes. Son corps repose d'abord dans un tombeau en bronze à la Collégial Saint Etienne, puis est transféré à la révolution dans la cathédrale.

Provins, Tour César - Cliquez pour agrandir   Provins, Saint Ayoul - Cliquez pour agrandir   Provins, Saint Quiriace - Cliquez pour agrandir   Provins, Saint Quiriace - Cliquez pour agrandir

Provins, Palais des Comtesses Douairières - Cliquez pour agrandir  Provins, Grange aux Dîmes - Cliquez pour agrandir   Provins, Place du Chatel, lieu des foires - Cliquez pour agrandir

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Sceau de Philippe Auguste

Henri II a 15 ans à la mort de son père, et c'est sa mère Marie qui assure la régence de 1181 à 1187. Son règne est surtout marqué par les efforts du jeune Comte pour renforcer, par des alliances avec l'Empire Germanique, son indépendance vis à vis du Roi de France Philippe Auguste, dont le domaine et l'influence se renforcent. Henri II part en 1190 pour la Terre Sainte, et devient Roi de Jérusalem, choisi par ses compagnons de voyage pour ses liens de parenté avec les maisons d'Angleterre (il est le neveu de Richard Coeur de Lion) et de France (il est par sa mère le neveu du Roi Philippe Auguste). C'est en tombant d'une fenêtre de son palais d'Acre qu'il meurt, en septembre 1197, dans des circonstances troubles qui malmènent la thèse d'un simple accident. Sa mère Marie, qui assurait la régence du Comté de Champagne en son absence, le suit dans la mort quelques mois plus tard, terrassée par le chagrin, en février 1198. 

 

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Portrait de Thibaud III
d'après un vitrail du Musée Vauluisant,
(c) G. Grosdoit-Artur

C'est le jeune frère d'Henri, Thibaud III, qui lui succède, pour trois années seulement à la tête du Comté. Il est très vite obligé de s'engager aux côtés du Roi Philippe Auguste dans la guerre que ce dernier mène contre Richard Coeur de Lion, qui meurt bientôt d'une flèche perdue en 1199. Thibaud épouse cette même année une jeune princesse de Navarre, Blanche, fille de Sanche VI le Sage. Une fille, Marie, naît en 1200, mais Thibaud III, emporté par la fièvre en mai 1201, ne connaîtra pas son fils Thibaud qui naît quelques mois après sa mort.

La Régence de Blanche de Navarre, 1201-1222

Suivant l'exemple de sa belle mère Marie, Blanche assure la régence pour 21 ans, jusqu'à la majorité de son fils. Dés le début de cette régence, isolée dans un Comté qu'elle ne connaît que depuis deux ans, elle cherche le soutien du Roi de France à Sens, qui le lui accorde à condition qu'elle ne se remarie pas sans son consentement, et que son fils Thibaud soit élevé à la cour de France. Blanche n'aura de cesse durant sa régence de préserver le Comté des nombreuses convoitises qu'il suscite, par la diplomatie et les alliances, mais aussi parfois par les armes, comme lorsqu'Erard de Brienne décide d'épouser une fille du Comte Henri II, Philippine, union qui lui donnerait un droit sur le Comté de Champagne ; Blanche tente de l'arrêter, en vain, en lançant ses armées à ses trousses, puis fait appel au Saint Siège, qui interdit l'union, qui aura finalement lieu en 1215. Blanche en fine stratège acquiert le soutien des grands, dont l'Empereur Frédéric II de Hohenstaufen, et des moins grands, dont les ducs et comtes alliés de son ennemi juré, Erard de Brienne, qui bientôt renonce à toutes ses prétentions sur le Comté.

Thibaud IV, Le Chansonnier, 1222-1253

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Thibaut rend hommage à St Louis, Ste Madeleine

Thibaud passe les 15 premières années de sa vie à la cour du roi de France, choyé par sa cousine Blanche de Castille, épouse du futur Louis VIII. Il écoute les troubadours que Blanche introduit au Palais austère de Paris, et rencontre le trouvère et poète Gace Brulé à Noël 1212, rencontre qui ne cessera d'inspirer le chansonnier Thibaud. En 1222, Thibaud reçoit du Roi son épée de Chevalier, et de sa mère le Comté de Champagne, dans l'état où, 20 ans plus tôt, son père Thibaud III l'avait laissé. Les premières années de son règne, Thibaud fait preuve d'une grande loyauté vis à vis de son Roi Louis VIII, et surtout, chuchote-t-on à la Cour, de la belle Blanche.    
Il se bat pour les intérêts du Royaume, mais aussi bien vite pour ceux de son Comté, menacés par le Duc de Bourgogne, qui en 1229 envahit avec ses alliés les terres de Champagne. C'est l'armée de la régente Blanche de Castille qui met fin à cette guerre ; "Elle lui fut loyale amie - Bien montra qu'elle ne le hait mie : - par elle fut finie la guerre - et conquise toute la terre" chante le jeune Comte. Quelques années, plus tard, en 1234, Thibaud est hissé par les ricos hombres sur le pavois royal pour son couronnement comme Roi de Navarre à Pampelune. Il a hérité ce royaume de sa mère, dont le frère Sanche VII le Fort vient de mourir sans descendance.

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Blanche de Castille

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Sceau de Thibaud IV, au bas d'une vente de bois à l'Abbaye de Saint Denis, 1247,  Document conservé au Centre historique des Archives nationales à Paris, Cote AE/II/246  (c) ARCHIM

A son retour, il retrouve un territoire amputé des Comtés de l'ouest - Blois, Sancerre, Chartres et Chateaudun - que le Roi Louis IX lui a tout simplement confisqués. La colère de Thibaud le conduit droit à l'affrontement avec le Roi, que seule la Reine mère Blanche de Castille parvient à empêcher grâce à son influence sur le Comte. En 1239, le Comte est choisi par le Saint Siège et de nombreux barons pour prendre la tête d'une nouvelle croisade ; il en rapporte en 1241 un morceau de la Croix du Christ qu'il dépose dans une église de Provins, rebaptisée Sainte Croix. Thibaud passe ensuite les dernières années de sa vie dans ses terres de Champagne puis s'éteint en 1253 dans son palais de Navarre, à Estella près de Pampelune.

Thibaud de Champagne
Seigneurs, sachiez: qui or ne s'en ira... (chanson de croisade)

Seigneurs, sachiez: qui or ne s'en ira
En cette terre où Dieu fut mort et vif
Et qui la croix d'Outremer ne prendra,
A grand peine ira en Paradis.
Qui a en soit pitié ou souvenance
Au haut Seigneur doit quérir sa vengeance
Et délivrer sa terre et son pays.


T
ous les mauvais demeureront deça,
Qui n'aiment Dieu, bien ni honneur ni prix;
Et chacun dit: "Ma femme, que fera?
Ne laisserai à nul prix mes amis."
Ceux-ci ont chu en trop folle attendance,
Qu'il n'est ami fors Celui, sans doutance
Or s'en iront ces vaillants bacheliers
Qui aiment Dieu et l'honneur de ce monde,
Et les morveux, les cendreux resteront;
Aveugle est, de ce je ne doute mie,
Qui secours ne fait à Dieu dans sa vie
Et pour si peu perd la gloire du monde.
Dieu se laissa pour nous en croix peiner
Et nous dira un jour où tous viendront:
"Vous qui ma croix m'aidâtes à porter,
Vous en irez là où mes anges sont;
Là me verrez et ma mère Marie
Et vous par qui je n'eus onques aide
Descendrez tous en Enfer le profond."

C
hacun cuide demeurer tout joyeux
Et que jamais ne doive mal avoir;
Ainsi les tiennent ennemi et péché
Car ils n'ont sens, hardiesse ni pouvoir.
Beau sire Dieu, ôtez leur tell' pensée
Et puis nous mettez en votre contrée
Si saintement que nous vous puissions voir!

D
ouce dame, reine couronnée,
Priez pour nous, Vierge bienheureuse!
Et après nul mal ne nous peut échoir.

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Quelques vues de Pampelune, capitale du Royaume de Navarre

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Portail de l'Eglise Ste Croix de Provins

 

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Sceau de Thibaud V, 1259,   Document conservé au Centre historique des Archives nationales à Paris, Cote   SC/CH6 (c) ARCHIM

A la mort de Thibaud IV, c'est son épouse Marguerite de Bourbon qui assure la Régence du Comté, alors qu'elle n'attend pas la majorité de son fils Thibaud pour le faire couronner Roi de Navarre dès 1253. Après 3 années de régence, Marguerite rend le Comté à son fils Thibaud, devenu en 1256 le Comte Thibaud V. Gendre de Saint Louis depuis son mariage avec la fille aînée du Roi, Isabelle, Thibaud cultive d'étroites relations avec le Roi ; il ne s'oppose nullement à la perte de certains privilèges,notamment lorsque Saint Louis décide de veiller à la justice et à la monnaie sur les terres de Champagne, supprimant ainsi le célèbre denier provinois en 1263. Il fera de l'Abbé Robert de Montieramey son chapelain et favorisera la prospérité de nombreuses abbayes sur son territoire.  

 

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Saint Louis

En 1269, Thibaud V et Isabelle décident de suivre Saint Louis en terre de Constantinople ; il faut trouver des fonds pour financer l'armée qui les accompagnera et Thibaud n'hésite pas pour l'occasion à confisquer tous les biens des Juifs de Champagne, qui sont tout simplement arrêtés sur ses ordres ! Le 27 août 1270, lorsque Saint Louis meurt de dysentrie près de Carthage, Thibaud V est à son chevet.

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Mort de Saint Louis

Le 4 décembre 1271, c'est au tour de notre Comte de succomber à la fièvre. Son épouse, devenue en quelques mois veuve et orpheline, meurt l'été suivant, sur la route du retour.

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Sceau de Philippe le Bel, 1285,   Document conservé au Centre historique des Archives nationales à Paris, Cote SC/B13bis (c) ARCHIM

Après le court règne (3 ans) du frère de Thibaud V, Henri III, et la régence de son épouse Blanche d'Artois, qui place un temps Edmond d'Angleterre, second époux de Blanche, à la tête du Comté, la lignée des Comtes s'éteint : la Champagne intègre le Royaume de France par le mariage de Jeanne de Navarre (fille de Blanche et Henri) avec le futur Roi Philippe IV Le Bel en 1284.  

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Sceau de Jeanne de Navarre, Document conservé au Centre historique des Archives nationales à Paris, Cote SC/D157 (c) ARCHIM

En guise de conclusion...

Cette union met ainsi fin à plus de trois siècles d'existence du Comté de Champagne. Les Comtes se sont très vite distingués des autres vassaux du Roi de France ; la gestion de leurs terres a été guidée non par de simples querelles de territoire mais surtout par une véritable stratégie politique et commerciale.

Ce fut d'abord le développement des foires de Champagne, réputées dans toute l'Europe, et qui permettaient au Comté, grâce aux quatre villes de foire - Bar sur Aube, Troyes, Lagny et Provins, sur une ligne Sud-Est Nord-Ouest - d'organiser une succession de foires tout au long de l'année, et par là de percevoir de nombreuses taxes sur les échanges, assurant la prospérité de la région.

Ce fut aussi un développement "spirituel" hors pair, que la dévotion de certains Comtes favorisa ; le Comte Thibaud Ier qui, outre son soutien à de nombreux ordres religieux, donne à la papauté son fils Eudes (le pape Urbain II), le Comte Hugues et la création de l'ordre des Templiers, l'amitié qui lia Thibaud II Le Grand et Bernard de Clairvaux, Henri Ier Le Libéral et l'aide qu'il apporte aux abbayes du Comté, et les participations au premier plan des Comtes aux Croisades, avec l'avènement d'Henri II sur le trône de Jerusalem en 1190.  La cour de Champagne fut aussi un lieu privilégié de rencontres intellectuelles et artistiques , en particulier sous la régence de Blanche de Navarre et le règne de son fils Thibaud Le Chansonnier.

Enfin, la politique fut également servie par des unions réfléchies, qui permirent de préserver ou d'agrandir le Comté - avec le mariage entre Thibaud III et Blanche de Navarre par exemple - ou encore de renforcer les liens entre les Comtes et le Royaume de France - avec les mariages d'Henri Ier et Marie, fille de Louis VII et de Thibaud V et Isabelle, fille de Saint Louis.

L'empreinte de cette splendeur et prospérité marquera encore longtemps la cité Comtale de Troyes, qui jusqu'au XVIè siècle fera partie des grandes villes du Royaume - la cinquième sous le règne de François Ier.

Le site d'Arnaud Baudin A viviter absolument : le site d'un historien, Arnaud Baudin, très documenté et très complet sur l'histoire de nos Comtes.

Je renvoie pour cette page à l'ouvrage d'Henri Erhet, "Passe avant le meilleur" ou l'histoire de ces Comtes qui ont fait la Champagne, aux éditions de la Renaissance.  Les images des sceaux des Comtes sont tirées du site du Centre Historique des Archives Nationales, et sont accompagnées des mentions légales ; se reporter aux services de reproduction du centre pour obtenir des tirages de ces documents. Les autres illustrations sont tirées des ouvrages suivants ; "Histoire de France", Désiré Blanchet, 1894, Ed. Belin Frères, "Histoire de France", Ernest Lavisse, 1921, Armand Colin, & "Histoire du Moyen Age", Désiré Blanchet, Ed. Belin Frères. Les deux portraits au crayon des Comtes Henri Ier et Thibaud III ont été réalisé par Gilles Grosdoit-Artur (c).



31/05/2012
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